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Traversée consciente du deuil

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imagesCAQ13IT1Processus nécessaire à traverser pour comprendre toute la réalité et la normalité du deuil ainsi que pour se libérer des souffrances associées à la fin d’une relation particulière, unique et personnelle à l’endeuillé. Traverser consciemment ses deuils permet de reprendre goût à la vie qui continue… sans l’autre !

Personnes endeuillées

Animation et soutien psychoaffectif pour les personnes en deuil (récent ou ancien). Groupe fermé de 9 à 12 personnes pour 10 rencontres hebdomadaires de 3 heures.

 Proches aidants

Les aidants de personnes atteintes de maladies graves vivent des deuils au quotidien même si la personne qu’ils accompagnement n’est pas encore décédée. De plus, le rôle de proche aidant s’accompagne de nombreuses autres pertes associées à leur routine de vie personnelle tel que :

  • modifier régulièrement son horaire en fonction de l’aidé
  • se sentir isolé avec ce que l’on vit
  • composer avec un surplus de tâches
  • changer ses projets de vie ou de retraite.
  • etc.

« Un voyage de mille lieues commence par un pas » Lao-Tseu

Le deuil

Incontournable réalité méconnue de la vie

Le texte qui suit est l’œuvre de Michel Lemieux, psychologue. Plusieurs extraits sont tirés du livre de Suzanne Pinard « De l’autre côté des larmes ».  En 1997, madame Pinard mettait sur pied la « Fondation pour l’éveil au deuil » dont monsieur Lemieux occupa la présidence jusqu’à sa dissolution en 2004.

Durant son existence, la « Fondation pour l’Éveil au deuil », mise sur pied par Suzanne Pinard, aura formé plusieurs intervenants dont ceux d’Aux Couleurs de la Vie Lanaudière.

À l’intérieur de notre mission, nous reprenons donc cet important rôle qui consiste à redonner aux gens le pouvoir sur leur vie en leur transmettant les connaissances nécessaires et le soutien psycho affectif que nous savons importants pour leur bien-être.

Le deuil est un sujet tabou! Les émotions, les états d’âme qu’il soulève ne concordent pas avec les valeurs sociales de performance, de contrôle, de solidité, etc.  Il est pourtant incontournable et nous frappe tous!  Puis dans ce silence qui l’entoure, les personnes endeuillées se retrouvent souvent seules, sans notion de ce qui leur arrive.  Faire le silence sur le deuil vise (maladroitement) à nous protéger de nos propres douleurs, de la réalité future de notre mort et de ces émotions qui nous amènent à ressentir notre propre fragilité.

Notre société vieillit et de plus en plus de gens sont en deuil de l’un des leurs.  Parler du deuil pour lui redonner sa dimension humaine, c’est informer les gens sur son processus, c’est les rassurer sur ce qui leur arrive, leur montrer la normalité de leurs réactions, leur fournir des outils pour faciliter la résolution du deuil et ainsi leur permettre de ne pas y rester prisonniers.  C’est aussi développer une saine perception du deuil véhiculant la compréhension, la compassion et l’espoir.

Plusieurs idées fausses sont véhiculées sur le deuil. On entendra qu’il est une maladie, que la tristesse indique la faiblesse émotive, la dépendance affective et l’insécurité… Certains penseront à tort que tous les deuils sont identiques, qu’ils ont la même durée et qu’à perte égale, il y a douleur égale pour tous.

Au contraire, le deuil est unique. Il appartient à la personne qui le vit en regard des multiples facteurs de personnalité et d’environnement social, des conditions de décès de la personne décédée, du degré d’attachement avec elle. Loin d’être statique, le deuil est un processus normal visant la guérison à la suite de la perte d’une personne significative. Il comprend le détachement de la personne décédée et la réorganisation sur tous les plans de la personne en deuil. Ce processus exige énormément d’énergie et s’avère nécessaire à une saine poursuite de la vie.

Les auteurs sur le sujet présentent différentes conceptions des étapes du deuil. Le modèle de Suzanne Pinard (2)  est simple, facile d’accès à la population en général. Il a la qualité d’être très respectueux du rythme individuel, de l’émotivité et des croyances de la personne. Bien que le modèle présente des étapes successives, l’endeuillé peut, à la suite d’un évènement, revenir temporairement à une étape antérieure. Ainsi l’anniversaire du défunt peut ramener la personne dans la désorganisation alors que cette étape lui semblait traversée.

Les étapes dans le processus du deuil

Le choc, le déni

Voilà donc que s’est produite l’annonce de la mort. La première réaction de la personne en est une de choc et de déni. L’intelligence peut comprendre mais les cellules du corps réagissent à la perte. On entendra : «Non… je rêve… ce n’est pas vrai … dites-moi…»,  avec une impression de vivre un cauchemar et que l’on va se réveiller pour réaliser que ce n’est pas vrai. Cette réaction de déni se retrouve même chez ceux qui ont accompagné la personne qui allait mourir…

Le déni peut durer de quelques secondes à quelques heures, quelques jours, voire des années. Certaines personnes n’en sortent jamais. On pourrait comparer le déni à la réponse d’un système de gestion de l’intensité des émotions; trouvant alors la charge émotive trop forte, il décide de couper le courant. On voit la personne endeuillée accueillir les proches au salon funéraire, recevoir leur sympathies, leurs condoléances en ne montrant aucun affect ou presque.

Cette attitude non-émotive est valorisée dans notre société. On entendra des commentaires tels : «Il fait bien ça, qu’il est fort ! » et on dira à l’endeuillé : «Reste fort, tu vas voir, ça va s’arranger ! » Il y aura ainsi une forme d’encouragement à maintenir la personne dans ce déni de toutes ses émotions de tristesse, de colère, d’impuissance, etc. Cet encouragement social n’incitera pas la personne à se confier lorsque les émotions feront surface et qu’elle ne saura pas ce qui lui arrive.

À court terme, le déni a cependant son utilité; il permet à la personne de pouvoir continuer à fonctionner car beaucoup de formalités, d’arrangements funéraires et autres détails restent à régler. Certaines personnes feront même le choix conscient d’écarter leurs réactions émotives uniquement pour demeurer fonctionnelles.

Le déni se termine pour la plupart des gens lors de l’exposition et au «retour à la maison » après le service funéraire. Certains n’arrivent pas à s’en sortir car la douleur est trop grande et ils rejettent la réalité de la mort de la personne significative. Le déni peut ainsi durer fort longtemps, voire des années. Le déni prend de multiples formes, telles qu’imaginer l’autre toujours avec soi mais dans l’invisible, conserver en place tous les objets de la personne disparue, transformer la chambre en une sorte de sanctuaire chargée de souvenirs évoquant ainsi la présence du disparu…

La charge émotive du deuil n’ayant pas été évacuée, elle contaminera peu à peu tous les secteurs de la vie personnelle par de l’impatience, de l’intolérance, de la tristesse, de la dépression, etc.  Le travail de la personne pourra même en être affecté au point d’occasionner la perte de son emploi.  Sa santé physique sera touchée. La psychothérapie sera des plus utiles pour ces personnes prises dans le déni. Un jour ou l’autre, le deuil devra fort probablement être vécu par la personne  qui a cru si bien y échapper, car il n’y a qu’une seule façon de passer l’autre côté de son deuil ;  c’est d’y entrer!

La désorganisation

C’est l’étape la plus difficile du deuil. Le déni faisant maintenant place à la dure réalité. La personne réalise au fil des jours que : «Non… jamais plus… ». Tout lui fait penser au disparu : une chaise, une tasse, des vêtements, une place vide à la table, la place trop vide dans le lit… tout ! Elle croit même quelques fois le voir passer dans la maison comme auparavant. Tout devient objet de rappel de l’absence de la personne.

De très fortes émotions de tristesse, de révolte, de colère, de culpabilité envahissent la personne. Elle a la sensation de perdre le contrôle sur sa vie. La tension, l’agitation et même la panique sont présentes. La psychothérapie sera d’un grand secours pour les personnes incapables d’entrer en elles-mêmes afin de se sortir de cette étape.

C’est ici que la plupart des gens se demandent s’ils ne sont pas «en train de devenir fous ». Ils ne connaissent pas le processus du deuil et n’ont bien souvent aucun point de référence auquel se raccrocher pour se laisser vivre cette dure étape.

Les personnes pouvaient être nombreuses à venir exprimer leurs sympathies au service funéraire mais maintenant elles sont reparties à leurs occupations. L’endeuillé se retrouve souvent seul. En plus de se sentir très maladroites face à tant de douleur chez l’autre, plusieurs personnes choisiront de ne pas revoir l’endeuillé afin d’éviter d’être mises en contact avec leurs propres pertes antérieures. Selon la personne décédée, l’endeuillé n’aura pas tendance à se retrouver avec d’autres personnes toujours en couple ou qui ont toujours un enfant. Il pourra aussi vivre de l’envie à leur égard et donner comme excuse, ne pas vouloir «briser » leur bonheur avec sa propre douleur ou encore être la «troisième roue de la charrette ».

Et pourtant, il s’agit d’une période où la présence, le cœur, la compassion et l’écoute d’une personne sont tellement importants et bienfaisants. Il y a besoin criant de parler, de se raconter, de s’appuyer.

Il est important que la personne puisse ici exprimer son ressenti, que ce soit verbalement, dans la création, le mouvement ou autre. Le corps demande à relâcher la charge émotive qui l’habite; il souffre!

C’est une période où les bons souvenirs refont surface et où l’endeuillé aura tendance à idéaliser la personne disparue. Les gestes habituels (dresser la table du déjeuner en incluant le couvert du disparu, déposer dans le panier d’épicerie la boîte de céréales préférée de l’autre…) rappelleront à leur façon l’absence de l’autre et la pénible sensation de perte. Ces gestes soulèveront beaucoup d’émotions.

Pour éviter de ressentir la perte, certains tenteront de remplacer le disparu, d’autres feront le vide en se débarrassant rapidement de tout ce qui lui a appartenu… ou se lanceront dans l’alcool, les drogues, le travail (workaholic) …

Certaines personnes iront voir un médecin en ne lui mentionnant pas avoir vécu un deuil (souvent par ignorance de ce qui leur arrive) et se retrouveront fortement médicalisées. Elles auront tôt ou tard à entrer dans leur douleur car il n’est pas possible de devancer la fin d’un deuil en sautant cette étape de la désorganisation.

Cette phase est parfois très difficile. Ainsi, la perte d’un enfant occasionnera la séparation de plusieurs couples;  les émotions soulevées étant souvent retenues afin d’éviter d’amener l’autre dans sa blessure… pour ne pas exprimer d’agressivité ou de blâmes à l’endroit de l’autre.

Au cours de cette même période l’endeuillé pourra remettre ses croyances religieuses (s’il y a lieu) en question : «Pourquoi Dieu permet-il sa mort, lui si bon, alors que d’autres personnes font tant de mal?»

L’expression de colère à l’endroit de Dieu sera d’autant plus difficile chez les personnes âgées car elles auront plutôt tendance à se sentir coupables d’avoir de tels sentiments.

Le corps de la personne endeuillé sera aussi affecté. Consécutivement au fait qu’elle aura tendance à moins bien se nourrir, à moins prendre soin d’elle-même et considérant toute l’énergie que requiert la résolution de cette étape, son système immunitaire sera affaibli. L’endeuillé sera ainsi plus vulnérable aux rhumes, aux grippes et autres virus. Les douleurs à la gorge, les problèmes intestinaux, les troubles du sommeil, les troubles respiratoires seront fréquents et certaines personnes ressentant des points à la poitrine craindront même des problèmes cardiaques.

Cette étape de la désorganisation est donc un moment difficile où les émotions submergent la personne qui n’en a bien souvent aucun contrôle.  Elles se présentent en vagues de toutes intensités et sans préavis. C’est une période où le corps a mal et où la douleur de la perte domine : «Cela fait si mal, la douleur est tellement profonde que j’en ai mal à l’âme », affirment de nombreuses personnes endeuillées.

La réorganisation

Cette période ressemble à une convalescence. La charge émotive de la personne est toujours présente, cependant son expression saine l’aura atténuée. Il est de plus en plus facile pour l’endeuillé de maîtriser ses émotions, de choisir des moments pour les exprimer et ainsi vivre une stabilité émotive. L’espoir revient peu è peu. On entend des choses comme : «Jamais je n’aurais pensé que j’en arriverais à …»

La vie reprend progressivement son cours en l’absence de l’autre. Au fil des jours, l’endeuillé doit s’ajuster et apprendre de nouveaux comportements tels que faire à manger à ses enfants,  les aider dans leurs devoirs, s’occuper de la pelouse, des réparations de la voiture, etc.

Les souvenirs de la personne disparue incluent maintenant les moments difficiles avec l’autre, ses côtés moins positifs, ce qui soulève parfois la déception et la colère. La personne commence à se souvenir de l’autre non pas comme un dieu ou une déesse, mais bien comme un être humain avec ses qualités et ses défauts. Le détachement émotif de la personne se réalise progressivement.

 La réappropriation de sa vie

La charge émotive bien exprimée est beaucoup plus faible. La personne prend conscience de ce qu’elle est, des habiletés qu’elle a développées afin de se sortir de son deuil. Riche de ses nouvelles ressources, elle ressent son identité «sans l’autre », défini un nouveau sens à sa vie et s’affirme davantage. Son réseau social peut s’être modifié au fil de sa désorganisation, elle aura raffermit certains liens, elle en aura tissé de nouveaux et certaines personnes, jadis présentes, ne feront plus parties de son entourage.

Il y a regain d’énergie. La créativité revient. C’est une période d’ouverture à l’avenir. Des personnes se surprendront ici à élaborer des projets  comme celui de se réveiller un matin en voulant ouvrir un resto ou à aller peindre dans Charlevoix. Certaines voudront garder secrets ces nouveaux projets de l’avenir qui les excitent par crainte qu’ils ne soient mal accueillis : «Les gens vont croire que je suis folle, mais j’ai le goût d’aller vivre à la campagne ». Une saine légèreté, comme un vent frais, habite de plus en plus la personne endeuillée.

C’est avec cette étape que plusieurs auteurs considèrent le deuil comme étant terminé psychologiquement et socialement. L’étape suivante s’adressera à ceux qui incluent la dimension spirituelle (différente du religieux) dans leur conception  de la personne.

La transformation, « la guérison »

La personne en arrive à s’investir complètement dans le monde des vivants. Alors qu’à l’étape de la désorganisation la personne était centrée sur elle-même et n’avait aucune écoute pour les autres, elle est maintenant ouverte, capable de compassion et de soutien pour des personnes de son entourage.

N’étant plus aux prises avec son émotivité, elle est maintenant prête à demander pardon au défunt, à lui pardonner ses torts et, fait très important, à se pardonner ses propres manquements dans la relation avec le disparu.

Selon ses croyances, elle garde avec le disparu un lien spirituel qui ne le maintient en rien dans le monde des vivants. Elle se souvient de l’autre et le sait maintenant dans une «autre vie ». Elle peut toujours avoir de bons sentiments à son égard mais s’en voit détachée.

Conclusion

Dans le passé, les rituels funéraires religieux offraient des repaires qui s’échelonnaient sur plusieurs mois. Ils facilitaient de la sorte l’expression des émotions et le soutien social à l’endeuillé. Leur disparition progressive laisse les gens dans un manque de lieu, de temps et de possibilité d’expression des émotions soulevées par leur deuil.

De nouveaux rituels significatifs doivent être inventés.

Faut-il encore le préciser, le deuil est méconnu et cela entraîne trop souvent sa médicalisation. Des personnes en déni ou en désorganisation se pointent aux cliniques d’où elles sortent avec des antidépresseurs, anxiolytiques, somnifères et autres.

Trop de gens souffrent inutilement de ne pas connaître le processus de deuil. Sensibiliser la population, les divers intervenants de la santé et des services sociaux au processus du deuil, favorisera chez beaucoup de personnes endeuillées une meilleure traversée de  «l’autre côté des larmes ».

1 LEMIEUX, Michel, psychologue au CEGEP de Rosemont et en pratique privée, a été jusqu’à sa dissolution, président de la Fondation pour l’Éveil au deuil.

2 PINARD, Suzanne  De l’Autre côté des larmes – Guide pour une traversée consciente du deuil –Éd. Mortagne, Boucherville  1997